À propos du film
Il faut courir, toutes affaires cessantes, voir Vies, pour vivre l’expérience singulière d’entrer dans un film qui sort du cinéma, étonne, émeut et, pour tout dire, vous change, même un peu, même pour un instant. Ainsi des lignes qui suivent, mises et remises sur le métier de la critique, et qui n’en sont pas moins tentées de rompre avec ce que ce terme suppose d’habitude et de professionnalisme. Quoi dire, aussi, devant un tel « objet » ?
Quelle révolution de vocabulaire inventer pour tenter d’être à sa hauteur et insuffler le désir d’aller le voir ? Tout paraît soudain si galvaudé, perclu, faux, vieux, banal, bancal. Chef-d’œuvre ? Non, Vies n’est pas un chef-d’œuvre. Ce n’est même plus une œuvre. C’est un désir, féroce et beau, de tout envoyer promener de ces contraintes, de ces compromis et de ce spectacle souvent si satisfait de lui-même qu’on appelle le cinéma pour n’en conserver que l’étincelle primordiale, cette petite flamme de liberté et de mystère qui éclaire l’obscurité des salles et la nuit des hommes. (…)
Jacques Mandelbaum, Le Monde, 22/11/2000