À propos du film
« Au départ, une logique de constat. Pas d’interview, pas de commentaire, pas de scénarisation, observer ce qui se passe entre les postiers et les clients dans une poste de la banlieue parisienne.
L’équipe s’immerge dans la file d’attente et se fait vite oublier : l’enjeu de l’argent qui manque, du RMI qu’on a urgence à toucher, de la pension qui tarde, est autrement plus fort que la présence de quatre techniciens.
« L’assiduité de la caméra fait même qu’elle devient une amie : on la prend à témoin, on lui confie des bribes de son histoire, on l’interroge : “où va l’argent ? ” La crise est là, avec toutes les nuances de la misère.
De l’autre côté de la vitre, face à cette souffrance à laquelle ils ne peuvent remédier, les postiers sont mal à l’aise. Ils ne sont pas là par vocation, mais par nécessité. Eux aussi subissent le poids de la situation économique dont ils observent, impuissants, les effets. Ils assument tant bien que mal leur rôle de représentants de l’État, l’État, grand responsable et dernier recours, quand rien ne va.
Dans la description sans voyeurisme de ce petit morceau d’humanité, le film se met au service d’une réalité qui fictionne d’elle-même et nous en dit long sur les malaises de notre société. »
« Dans le film, on cherchait les points de rencontre entre eux et nous, justement, les moments où naît une espèce de sentiment d’étrangeté. Nous, les salariés, les gens qui sont dans le bateau, à quels moments se sentent-ils proches de ceux qui sont de l’autre côté de la vitre et à quels moments se sentent-ils vraiment différents ? Dans les méandres administratifs, il y a beaucoup d’occasions de mépriser celui qui est derrière la vitre. Les moments de mépris, ou d’énervement ou de colère ne sont pas occultés, mais il y a aussi des moments de sympathie, de connivence, de solidarité. Je crois que c’est vraiment le sujet de film : comment on est du côté des inclus ou des exclus. Comment on tient à sa sécurité aussi, finalement. »
Extrait de La solidarité, ça n’est pas si facile.
Entretien avec Dominique Cabrera, par Mathieu Lilian, Mouvements 3/2003 (n° 27-28), p. 65-72.