À propos du film
Avec ce grand spectacle typiquement hollywoodien, le cinéaste réussit l’osmose délicate entre le film commercial et le cinéma d’auteur. Depuis Hunger, par exemple, on sait qu’à l’instar de Theo Angelopoulos ou Andreï Tarkovski il adore les plans fixes démesurément étirés, mais calculés à la seconde près, qui créent une réalité parallèle, plus vraie que la vraie. On en a plusieurs ici, dont celui, totalement incongru dans un film américain, où le héros, lynché, est suspendu à une corde, ses pieds touchant le sol par intermittence. Il attend. Il entend des enfants jouer et rire au loin. La durée même de cette séquence magnifique fait naître la peur. On dirait un suspense à la Hitchcock…
Question sadisme, Steve McQueen est un orfèvre : dans Hunger, on le sentait radieux de détailler, une à une, les plaies sur le corps meurtri de Michael Fassbender. Il ne semble pas mécontent, ici, de filmer un à un les coups de fouet reçus par la bien-aimée du frustré. Mais curieusement, ce pointillisme lui permet, à chaque film, de fuir le réalisme. Son art repose sur l’artifice. Sous sa caméra, le destin de Solomon Northup n’est plus un fait divers, mais une abstraction lyrique. Presque un opéra.
Pierre Murat (Télérama.fr)