Synopsis
Pour les petits paysans du Nordest du Brésil, la terre est comme leur propre peau. Par leur parole aiguisée au fil de la volonté de vivre, par la poésie, l’art ou la danse, ils entretiennent cette terre qui ne leur appartient pas.
"Romances de terre et d’eau" est un documentaire sur des journaliers de la terre au Nordeste du Brésil qui se battent avec lucidité et beaucoup d’humour pour leur survie économique, et pour préserver la force d’imagination et de recréation de leur culture.
Pour ces hommes et ces femmes aux origines indiennes, la « roça », qui est l’endroit où l’on fait croître les plantes, les légumes et le riz, ce qu’il faut à une famille pour être assurée du lendemain, cette « roça » pourrait être le paradis sur terre s’ils n’étaient pas chaque année dépendants du bon vouloir des propriétaires.
C’est de cette terre aride que sont nés tous leurs mythes, que s’est forgée leur culture, et qu’ils s’efforcent de faire vivre par les poèmes, la musique, les créations à base d’argile, les danses rituelles, et ainsi continuer à transmettre avec dignité ce "métier de vivre" à leurs enfants.
À propos du film
Politis 21 novembre 2002 Noire romance « Brésil, quelques degrés au sud de l’Equateur, l’Etat du Céara étire ses plages de sable fin battu par les vagues de l’Atlantique. A trois cents kilomètres de là, c’est le pays Cariri. Du nom des Indiens qui y vivaient avant les Portugais. Deux saisons chaudes dans l’année, la sèche et la verte. Une terre de collines brûlées, qui appartient à des propriétaires qui laissent errer leurs troupeaux neuf mois par an. Cette même terre est travaillée les trois mois restants par des métis qui la louent. Un fermage aléatoire qui se termine quand les troupeaux reviennent, peu importe (aux latifundiaires) si les cultures de maïs ou de haricots ont été récoltées. Souvent les bovins déboulent et piétinent les pousses encore vertes. Ces années-là, les enfants du pays Cariri ont faim. Dans Romances de terre et d’eau, le film de Jean-Pierre Duret et Andrea Santana, Thiago Pinheiro Gomes raconte comment, à l’âge de 8 ans, il a vu mourir ses deux sœurs. De faim. Les romances évoquées dans le titre ne sont pas des chansons sentimentales. Dans la culture ibérique, la romance est une poésie populaire. Comme celles qu’écrit et dit le vieux Patativa do Assaré, aveugle et toujours véhément à 91 ans. Il est mort peu après avoir été filmé. Toute sa vie, il avait travaillé les champs, il avait élevé neuf enfants, et produit plusieurs centaines de poèmes devenus la geste des paysans pauvres et fiers du pays Cariri. La question de la terre a été traitée au cinéma sur deux modes : le lyrisme (les « gestes augustes » des semeurs de tous pays) ou le misérabilisme. Duret (un des grands ingénieurs du son du cinéma européen, collaborateur de Pialat ou des Dardenne) et Santana (architecte brésilienne) ont choisi une troisième voie. Celle d’une formidable sympathie avec les êtres. Celle des voix et des regards des hommes et des femmes et, c’est peut-être le plus important, des enfants qui disent, en regardant la caméra, les vers de Patatita. Duret et Santana filment la terre, les gestes ordinaires de l’homme qui défriche, de celui qui plante, les pieds dans la boue grasse quand la pluie vivifiante a noyé le paysage. Ils filment les mains des femmes qui pétrissent l’argile grise qui devient ces figurines qui sont une autre manière de dire le travail. Ils filment le quotidien et la fête, la parole et le sourire qui font des sans-terre du Céara des êtres si proches de nous. » Jean-Pierre Jeancolas
"Plus de la moitié des hommes et des femmes de notre planète vivent en marge de la toile, exclus, sans représentation, leurs vies invisibles, leurs mots sans écho. Au mieux, ils sont comptabilisés dans les statistiques quand survient une catastrophe naturelle ; ce film unique sur les journaliers de la terre du Nordeste du Brésil regarde une poignée d’entre eux en voisin. Il écoute leurs histoires drôles, leurs récits intimes, leurs colères et se mêle à leurs jeux. Plus encore il les aime. Un inoubliable récit, à des années lumières du regard du touriste." John Berger