À propos du film
Le signal émis par ces populations attaquées de toute part est faible, de basse intensité, leur disparition imminente. C’est particulièrement vrai au Brésil, où s’agite un clown macabre, Bolsonaro, qui occupe tout l’espace des médias locaux et mondiaux. A l’abri de sa verve mortifère, silencieux, les profiteurs accaparent, les croque morts détruisent tout ce qui est vivant. Nous filmons le Rio Sao Francisco qui au mitan de son parcours baigne les terres assoiffées duNord-este Brésilien, nous filmons son peuple, pêcheurs, pêcheuses, petits paysans, enfants, animaux, arbres, végétation, les voix multiples de ce grand fleuve. Le Rio les fait vivre, malgré les sécheresses de plus en plus importantes, la déforestation massive des berges au profit d’une agriculture industrialisée, qui accapare toute l’eau et la pollue par les énormes quantités de produits chimiques nécessaires aux plantations de millions de manguiers, et dont les fruits sont
exclusivement destinés à l’exportation. Ce même cycle inéluctable raréfie les différentes espèces de poissons, empoisonne l’eau, de tous temps bue par les riverains. La monoculture désapproprie les petits paysans et entraine le travail esclave. Tout est lié. Nous filmons des visages, des regards, des barques, au fil de l’eau, ce peuple du fleuve qui nous donne une leçon de vaillance, de courage et d’intelligence, de patience et d’optimisme. Le dur travail, la beauté des gestes, « la pêche existe depuis le commencement du monde », mais aussi l’amour pour cette terre, son âme souriante et joyeuse, ses légendes. Ils, elles sont orgueilleuses de leur histoire et de leur identité. « On doit être fières de ce qu’on est », répété comme un mantra, pour reprendre pied devant soi et les autres, pour ne plus se laisser dominer. « Plus nous sommes incultes, plus ils sont contents ». « Sans le Rio, nous sommes comme des poissons hors de l’eau et s’il venait à disparaître, notre vie s’en irait avec lui ».
Ils luttent pour leurs enfants, avec leurs enfants, pour que ce sol ensanglanté du Nordeste, le Sertao, devienne une nouvelle terre où leurs racines anciennes pourront à nouveau retrouver vigueur.
Les pierres qui affleurent au lit du fleuve témoignent de son assèchement progressif mais lui aussi, parfois encore, pourrait rugir de colère.
Andréa Santana
Jean Pierre Duret