À propos du film
(…) S’il y a rupture avec le modèle hollywoodien, Le Petit fugitif se réfère aussi au cinéma classique et s’en nourrit. Engel ne se pose pas contre un certain cinéma américain, à l’instar de ce que feront les cinéastes de la Nouvelle Vague. Au contraire, ce cinéma fait partie de sa cul- ture, fait partie de la culture populaire à laquelle il a consacré son travail d’artiste. Engel évoque le western (l’harmonica qui survole tout le film, la tenue de cow-boy de Joey, les chevaux du manège), le film policier, les courses poursuites où un innocent se retrouve injustement traqué par les forces de l’ordre. Le petit Joey trouve chez les héros de cinéma et de séries télé la force de s’en sortir, même s’il se met aussi en danger à vouloir les imiter, et ce dès son évasion par la fenêtre qui semble tirée d’un film noir des années 30. Le cinéma fait partie de son monde, comme les parties de baseball disputées dans la rue, les bagarres de cow-boys et d’Indiens. Joey est un cousin de Tom Sawyer et Engel est constamment dans l’Amérique et sa représentation. Son désir de cinéaste est de proposer une autre approche du cinéma, plus simple, accessible, mais pas d’a- battre les murailles de la forteresse hollywoodienne. De toute manière, aux Etats-Unis, les attaques contre l’establishment se font toujours depuis le cœur du système, rarement depuis sa périphérie. Engel n’est pas un pamphlétaire, c’est un portraitiste convaincu de l’importance de la culture populaire où ont droit de cité le Coca Cola, les films d’exploitation, la télévision, les fêtes foraines et le base-ball.
Trop novateur, étrange, décalé, le film faillit ne pas être distribué aux Etats-Unis. Il est rejeté par la MGM, la Warner et la Fox, et il doit à Joseph Burstyn d’avoir finalement pu trouver le chemin des salles. Ce distributeur indépendant des films de Rosselini et De Sica aux USA reconnaît dans Le Petit fugitif ce pan du cinéma italien qu’il aime à défendre. Par chance, le film est sélectionné au Festival de Venise et remporte le Lion d’argent, devenant ainsi le premier film américain à y être récompensé.
Olivier Bitoun (dvdclassik.com)
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« Un vrai trésor caché du cinéma mondial, une modeste mais cruciale pierre de touche dans l’histoire du cinéma moderne. Un film qu’il faut voir et saluer. »
(Les Inrockuptibles)