À propos du film
Extrait de REVUE&CORRIGEE #99 | MARS 2014 | Article ’FILMER LA MUSIQUE - FILMER LES MUSICIENS’ | TROISIÈME BOBINE : ANAÏS PROSAÏC, LAURENCE PETIT-JOUVET, MARC SIFFERT, SAM HARFOUCHE, MARIE-NOËLLE BRUN
Questions posées par mail en février 2014 par J-Kristoff CAMPS
R&C : Dans quelles circonstances as-tu décidé de faire ce film sur (ou avec, comme c’est spécifié dans le générique) Peter Kowald 5 ? Une commande ? Par passion pour la musique de Peter Kowald ? Ou l’homme ? Un intérêt particulier pour les musiques improvisées ? Ou pour les soucis de mécanique automobile ? Une passion pour l’Amérique ? L’envie de faire des images ? l’envie de voyager ? D’évoquer les réalités sociales aux USA ? D’ailleurs, était-ce un projet de film, ou juste de faire des images sur une tournée et de voir au retour ?
Laurence Petit-Jouvet : Tout a commencé très simplement, entre amis, autour d’ une table. Peter, qui était venu dîner à la maison, nous avait annoncé joyeusement qu’après avoir publié sur internet son intention de faire cette tournée américaine, il avait reçu en retour une cinquantaine d’offres de concerts aux quatre coins du pays. Il avait ensuite organisé les rendez-vous en un grand itinéraire circulaire.
Lorsque je lui ai lancé à la légère q u’il fallait en faire un film, il m’a prise au mot, et m’a proposé sur le champ de partir avec lui. On s’est dit "tope là ! " ce soir-là, et on a trinqué. Tout s’est ensuite enchaîné très vite. J’ai écrit sans tarder un projet qui a obtenu rapidement un accord de diffusion de la chaîne Muzzik. Et seulement deux, trois mois plus tard, on était sur les routes, à bord d’une vieille Chevrolet Caprice, qui nous a effectivement fait subir beaucoup de caprices…
Chaque soir, un nouveau concert dans un nouveau lieu avec de nouveaux artistes. L’idée de Peter pour cette tournée était de jouer un solo à chaque première partie, puis de jouer avec les musiciens sur place qui le souhaitaient, et parmi eux de très grands musiciens de free jazz et de musique improvisée. Parfois, Peter les connaissait pour avoir déjà joué avec eux, parfois il ne les connaissait que de réputation, mais parfois encore il ne les connaissait pas du tout. Peter était cet homme généreux. Ainsi, ce voyage nous a emmenés du grand club historique de Chicago à la plus petite boîte au fin fond de l’Amérique profonde, en passant par tous les intermédiaires possibles et imaginables (appartements, galeries d’art, églises, universités, bars restaurants…). Pour la première fois, je faisais tout sur un tournage : la réalisation, l’image, le son, la régie, etc.
Pas de place ni d’argent pour un cadreur, un preneur de son ni même un assistant. Nous étions nourris et logés chez l’habitant, souvent l’organisateur du concert. Combien de nuits passées sur le canapé du salon au milieu des poils de chat ? Beaucoup de kilomètres, et peu de sommeil donc, mais c’est à ces conditions très économiques que le film a pu se faire. Les rushes portent les traces de cette expérience à la limite de mes forces. L’énergie qu’il m’a fallu est peut-être d’ailleurs celle-là même qui irrigue le film.