À propos du film
« Mathias Zwilling, 70 ans, et son amie Rosa Zuckermann, 90 ans, habitent Czernovitz, à l’ouest de l’Ukraine, tout près de la frontière roumaine. Peut-être devrait-on dire qu’ils « hantent » ce qui fut autrefois un haut lieu de la culture yiddish, dont il ne reste aujourd’hui que des vestiges : la moitié des Juifs ukrainiens périrent dans l’Holocauste. Derniers réceptacles de cette mémoire laminée, monsieur Zwilling et madame Zuckermann s’asseyent l’un près de l’autre, soir après soir, pour brasser les souvenirs, lire le journal, parler sans fin de littérature et de politique. Ils forment un drôle de couple, fragile et captivant, lié par une langue commune, l’allemand : jusqu’en 1918, Czernovitz, ou Tchernovtsy, appartenait à l’Empire austro-hongois. Elle fut ensuite roumaine, soviétique, occupée par les nazis, et enfin ukrainienne. Parti faire un documentaire sur cette ville si particulière et l’un de ses plus illustres natifs, le poète Paul Celan, Volker Koepp rencontra ses « héros » presque par hasard. Sa caméra en est restée sidérée : leur dignité, leur humour, leur tristesse, leur mémoire surtout, devinrent le centre du film. L’appétit de vivre, la vivacité intellectuelle, la force de Rosa Zuckermann, qui perdit toute sa famille en déportation ; la touchante mélancolie de monsieur Zwilling, ses efforts pour que survive une culture juive à Czernovitz : ce témoignage au long cours, capté au plus près, avec tendresse et respect, est remarquable. Déjà diffusé l’an dernier sur Arte à une heure tardive, il mérite une attention renouvelée. D’autant qu’un pan de cette mémoire a déjà disparu : monsieur Zwilling est en effet décédé en août 1999. »
Cécile Mury, Télérama, Mars 2002.