À propos du film
"Le point de départ du film était mon envie de redonner la parole à Didier, que j’avais rencontré quelques années auparavant, et qui en avait été privé par ses 10 années passées en prison. Je voulais capter sa difficulté à se saisir de cette parole, à raconter les traces laissées par ces années d’enfermement et sa peur du jugement du spectateur. Ce qui m’intéressait c’était de faire surgir cette parole par un dispositif filmique particulier (de longs plans-séquences, un décor de cinéma, ma présence hors-champ…) et de créer les conditions nécessaires à une parole forte, introspective et souvent paradoxale.
Finalement, le tournage ne s’est pas déroulé exactement comme prévu car la parole de Didier me semblait souvent atténuer les épreuves qu’il avait rencontrées. Le film s’est révélé être une sorte de confrontation bienveillante entre ce que Didier dit et ce que je souhaite l’entendre dire." Guillaume Bordier, Université Sorbonne Nouvelle (Cinémathèque Universitaire)
"Des détenus ou des anciens détenus, nombreux sont les entretiens filmés qui enregistrent une parole factuelle, égrenant les longues années en retrait de la société, les contraintes, les violences, les formes d’évasion réelle ou fantasmée. Si "Le Reflux" s’en distingue, ce n’est pas par la réalité carcérale qu’a vécue Didier Lambert (libéré il y a dix ans d’une peine de dix ans) mais par l’étonnante volonté d’introspection dont il fait preuve. Dans une évidente intimité avec le cinéaste, il semble partie prenante du dispositif à la fois minimal et crucial : un plateau de cinéma déserté, que l’on pourrait prendre pour son propre intérieur, met à distance toute illusion de spontanéité et capte le processus d’énonciation d’une parole. "C’est pas beau chez moi – je préfère un endroit neutre… ", précise Didier, et de fait, la "neutralité" du lieu permet de se transporter via son récit dans des lieux différents : la cour d’assises et la prison, mais aussi la campagne dans laquelle il a grandi et découvert son homosexualité. Au-delà de la description de l’expérience judiciaire et pénitentiaire, "Le Reflux" s’intéresse à ce que Didier appelle, en un retour sur lui-même dont on imagine l’effort qu’il lui a demandé, "l’enfermement mental" qui précède, voire induit, l’enfermement carcéral."
Charlotte Garson, Cinéma du réel 2013