À propos du film
Le titre du film est significatif de la recherche formelle ambitieuse à laquelle s’est livrée Edna Potiti pour nous faire aimer et comprendre l’œuvre de Luigi Nono : "Fragmente - Stitte, un Diotima".
C’est afficher son désir d’un langage filmique fluide - musical pour tout dire - ouvert aux interrogations, aux interprétations voire aux rêveries que ce quatuor réputé difficile peut susciter et qui, grâce à elle, devient limpide.
Dans sa quête du personnage de Nono et de sa musique, elle adopte tout naturellement une construction en fragments respectant ainsi l’essence même de la composition du morceau et nous en révélant les multiples facettes. Nous pénétrons lentement dans ce quatuor mystérieux comme dans une forêt dont nous admirons tour à tour les zones d’ombres et les clairières. C’est un enchantement que d’apprécier simultanément la beauté d’une musique et d’en découvrir le sens.
"Le Quatuor des possibles se présente comme une quête - une enquête - à partir de Fragmente-Slille an Diotima, quatuor à cordes de Luigi Nono composé en 1980 sur des fragments de Hölderlin. A travers le travail d’interprétation du quatuor Arditti, Edna Politi découvre les possibles d’une œuvre, qui touche à la littérature et à l’astrophysique, où « chaque note est une expérience eu soi ».
Fragmente est une œuvre dépouillée, intérieure, qui voudrait tendre vers le silence ; elle définit un rapport au temps particulier, développant la notion de l’attente sans but et toujours renouvelée. Nono désirait avec sa partition créer un univers suggestif dans lequel les fragments de Hölderlin stimuleraient l’imaginaire des interprètes. Edna Politi, par une approche fragmentée, filmant le quatuor dans de multiples lieux (Venise, puis Royaumont), par un travail sur l’eau et ses réfractions, déstabilise elle aussi notre rapport à l’espace et au temps. Elle distille l’information nécessaire pour amener peu à peu à la compréhension sensible de l’œuvre, nous laissant découvrir les références à Beethoven, Verdi, Maderna, Ockeghem, mais aussi l’engagement éthique et politique de Nono." Guillaume Courcier, Images documentaires n°16 "Cinéma du réel" (1er trimestre 1994)