Jour de marché
Jacqueline Veuve
Suisse, 2002, 90 min / Couleur

Jour de marché, Jacqueline Veuve, Suisse, 2002, 90’

Synopsis

Chaque mardi et samedi, au centre de la petite ville vaudoise de Vevey, se tient l’un des plus beaux marchés campagnards du pays. Maraîchers, champignonneurs, pêcheurs et fleuristes vendent ici le produit de leur effort et de leur passion mis à rude épreuve par les lois du commerce planétaire. Jour de marché leur rend hommage.

Chaque mardi et samedi, au centre de la petite ville vaudoise de Vevey, se tient l’un des plus beaux marchés campagnards du pays. Maraîchers, champignonneurs, pêcheurs et fleuristes vendent ici le produit de leur effort et de leur passion mis à rude épreuve par les lois du commerce planétaire. “Jour de marché” leur rend hommage.

"(…) Au travers de portraits simples et touchants, Jacqueline Veuve narre avec brio et respect la vie - souvent difficile - de gens simples, authentiques et profondément attachés au sol qu’ils cultivent et à une activité qu’ils défendent contre vents et marées. Sobre comme à son habitude, Jacqueline Veuve met une nouvelle fois en lumière le monde de l’agriculture où les gens font encore preuve de modestie, d’un savoir-faire inégalé.(…) " Christophe Boillat, Riviera (26 septembre 2002)

À propos du film

 
Entretien avec Jacqueline Veuve
Avec "Jour de marché", Jacqueline Veuve tire la sonnette d’alarme sur les rudes conditions d’existence des maraîchers, menacés par le commerce planétaire. collapsed title="Lire la suite.."
Quelle est la genèse de "Jour de marché" ?
J’avais en mémoire un souvenir très fort du film de Lindsav Anderson "Every Day Except Christmas", réalisé en 1957. Issu de la grande lignée des documentaristes à laquelle appartiennent John Grierson, Basil Wright et Robert Flaherty, que je considère, avec Richard Leacock et Jean Rouch, comme mes maîtres, ce documentaire mettait en lumière le véritable patchwork social que représentait le marché de Londres. A l’époque, j’étais encore stagiaire au Musée de l’Homme à Paris, et je me rappelle avoir souhaité pouvoir transmettre les mêmes images, simples et non commentées, sur les gestes des hommes. Le marché campagnard a également fait partie du monde de mon enfance. Tout près de chez moi, il y avait une foire aux bestiaux, un petit marché où les femmes venaient vendre fruits et légumes avec leurs poussettes d’enfants. Le collège dans lequel j’ai fait mes classes secondaires se trouvait juste en face du marché et de l’Abbatiale de Payerne. A la récréation, les paysannes nous donnaient une carotte et une pomme… Par la suite, comme tout le monde, j’ai fréquenté les grandes surfaces. Et depuis maintenant quinze ans, je fréquente le marché de Vevey, qui se trouve à dix minutes de chez moi. L’idée de réaliser un film sur ce marché me trottait dans la tête depuis deux ou trois ans. Je me suis dit qu’il fallait faire vite, parce que beaucoup de petits maraîchers, poissonniers, champignonneurs, etc., disparaissaient, mangés par la concurrence des supermarchés.
De quelle manière avez-vous sélectionné les différents intervenants ?
Je les connaissais depuis de nombreuses années.je savais qu’ils étaient susceptibles d’être intéressants et qu’ils avaient des choses à dire. Ils avaient des "gueules", des gestes, des paroles que l’on avait envie de filmer. Après eux, il n’y aura personne pour les remplacer.
Comment avez-vous travaillé ?
J’ai mis deux ans à préparer, réaliser et monter le film.je connaissais très bien les différents protagonistes, mais seulement dans le cadre du marché. J’ai donc été les voir travailler chez eux pendant plusieurs semaines, je les ai photographiés et longuement interviewés. Avec l’ensemble de ce matériel, j’ai écrit le scénario. Comme vous le savez, je ne fais pas de reportages, uniquement des documentaires mis en scène en fonction de ce que je sais de mes protagonistes. Je suis très attachée à l’esthétique. Je ne tiens pas à faire absolument une "belle" image, mais un cadre porteur de sens afin de dégager une réelle émotion. Ici, pas de talking heads. Les personnes interviewées évoquent les problèmes que je souhaitais faire ressortir, soit en voix off, soit par le truchement des dialogues qu’elles établissent entre elles.
Dans le commentaire, vous parlez à un moment d’ « artisans »…
Ce n’est peut-être pas le mot adéquat pour des maraîchers, mais je n’y trouve pas de meilleur… je veux souligner, comme chez les artisans, leur manière de faire, de parler, qui est spécifique et qui disparaîtra avec eux.
Beaucoup parlent de l’absence de succession et de relève, est-ce l’ébauche d’un véritable scénario catastrophe pour ces petites exploitations traditionnelles ?
La plupart des maraîchers n’ont en effet pas de succession, pas de relève. Parler de scénario catastrophe n’est pas un vain mot. Il faut savoir que monsieur Volet, le "chanteur", cultive ses salades sur des terrains avec vue sur le lac qui valent des fortunes pour construire des villas, ce qui l’empêche donc d’agrandir son domaine. Cela signifie que les chances de survie de son exploitation sont très minces, car aujourd’hui, il est impossible de survivre sans s’agrandir. Par ailleurs, les prix des produits chutent. Il donne l’exemple de la pomme Golden, qui valait deux francs le kilo en 1958 et qui vaut toujours le même prix aujourd’hui, alors que les salaires ont quintuplé !
En vous attachant à des thèmes d’une grande universalité, avez-vous voulu réaliser un film pédagogique sur la globalisation ?
Je n’aime pas le terme "pédagogique", qui me rapproche du didactique que j’essaie d’éviter. Ceci posé, j’ai effectivement voulu réaliser un film sur des petits artisans qui nous amènent à un problème universel : celui de la globalisation qui tue toutes nos traditions.
Devant l’ampleur de la crise, ce documentaire fait-il office de sonnette d’alarme ?
Il devrait faire office de sonnette d’alarme, mais je suis un peu sceptique ; on arrive à convaincre que les convaincus… Tout le monde veut bien acheter bio, mais seul un petit pourcentage le fait vraiment, parce que les gens sont habitués à acheter des fraises pratiquement toute l’année, et des légumes hors saison en toute saison… Comment revenir en arrière ? Comment être plus responsable vis-à-vis de soi-même et de la société ? On peut espérer que le film suscitera des discussions et qu’il parviendra à secouer un peu les consciences.
Quels seront les marchés de l’avenir ?
Ils seront essentiellement composés de revendeurs de légumes, de fruits, en provenance du monde entier, ce qui est déjà partiellement le cas. Le marché ressemblera de plus en plus aux grandes surfaces…
Propos recueillis par Sandrine Fillipetti /collapse

Générique

Titre

Jour de marché

Réalisation

Jacqueline Veuve

Auteur

Lionel Baier
Jacqueline Veuve

Image

Milivoj Ivkovi
Hugues Ryffel

Son

Luc Yersin

Montage

Edwige Ochsenbein

Production

Aquarius Films
Ciné Manufacture

Pays

Suisse

Année

2002

Support

35 mm, Beta SP, DVD