Synopsis
À l’heure de l’emballement des dérèglements climatiques d’origine anthropique et de la sixième extinction, Climatic Species interroge l’évolution du vivant : animal, humain et végétal. Pour tenter de projeter un avenir avec les non-humains, différents acteurs entremêlent leurs points de vue : une ourse de Slovénie, une ourse polaire hybride, un aulne, un cèdre du Liban, un céphalopode et deux chercheurs scientifiques.
Le cinéma, le documentaire, le cinéma documentaire, sont nés tout ensemble, on le sait, d’une stupéfaction et d’un désir de rendre cet émoi du monde tel qu’il est. De Lumière à Warhol, c’est la même enfance continuée, obtuse, entêtée à se contenter de regarder, d’admirer, de s’étonner. Mais il y a, faux jumeau de cette bouche bée, cinéma aussi, documentaire aussi, la pulsion scientifique, la volonté d’expliquer, celle de Marey, de Muybridge, qui se sert du cinéma pour pointer ce qu’on ne voyait pas avant lui, et le dire. Tension insoluble ? Se taire, admirer, et aussi montrer, expliquer ? Être ignorant et savant en même temps, est-ce possible ? Disons-le tout net, ce rêve, brechtien quoi qu’on en dise, est assez rarement accompli ; disons-le tout net, il est assez ardu. Il y faut autant de modestie en science qu’en matière de simplicité. Vite dit. C’est pourtant, non seulement le pari, mais la réussite flagrante de Christiane Geoffroy. Son film enseigne en même temps qu’il nous entraine dans l’épaisseur de l’ignorance comme préalable de l’observer. Son film fait entendre autant qu’il laisse voir. En clair, Climatic Species est fabriqué de maintes espèces, tissé de plusieurs fils. Il est le fruit de générations différentes, il est métissé, il s’avance dans l’avenir. N’est-ce pas ce dont tout le film, images et voix, tentent de nous faire prendre connaissance ? Que cet arbre, et cet autre, que ce scientifique, et cet autre, que cette ourse, et ce dessin de poisson à la craie, que le début du film et son « générique » de fin, forment la densité d’un buisson dont notre regard fait partie. (JPR)