À propos du film
Locaux misérables, docteurs péremptoires, internement parfois politique : de janvier à avril 2013, Wang Bing a filmé le quotidien d’un hôpital psychiatrique de la province du Yunnan. Dans cet espace où le seul air vient d’une cour hors d’atteinte car bordée de barreaux, le lit fait office de radeau – "les gens comme nous ne peuvent s’offrir que le sommeil", remarque un résident. En restant au plus près des patients qu’il identifie par leur nom, le cinéaste déchiffre leur mode de (sur) vie, réinjectant de l’individuel dans ce que l’institution s’entête à priver de sens. Prière des rares musulmans, réchauffages mutuels au lit, les rituels corporels et vestimentaires rappellent "L’Homme sans nom" et "Le Fossé", tant le dénuement est grand. Cette fresque documentaire finit par percer dans le plus clos des espaces des brèches vers le hors-champ. Ainsi un résident peut-il encore calligraphier sur sa jambe : "Pensée morale", et un autre fredonner une chanson d’amour pendant une chasse à la mouche. Rompant l’arbitraire d’un lieu qui programme la folie autant qu’il la diagnostique, ces manifestations de vie font émerger du chaos une figure inattendue : le couple. D’où un titre qui sonne comme un douloureux serment matrimonial.
Charlotte Garson, in catalogue Festival des 3 Continents, Nantes, 2014
Le tournage s’est avéré difficile au début, car il fallait obtenir l’accord, non pas des personnes filmées, mais des gens en charge de la gestion de l’hôpital. Une fois dans l’hôpital, le problème était que nous ne comprenions pas la vie de ces gens, nous sommes donc restés plusieurs jours comme ça, parfois à filmer, parfois sans filmer, pour établir un premier contact.
Après cinq ou six jours, nous étions déjà presque devenus amis avec eux. Nous n’avons pas employé de méthodes spécifiques pour gagner leur confiance, nous restions juste avec eux, parfois à discuter simplement, parfois à regarder la télévision avec eux. Ainsi, quand nous avons commencé à tourner, cela s’est fait très naturellement. Wang Bing