Avec Claire Simon, le cinéma naît du désir de raconter des histoires. Et grâce à elle, des espaces aussi lointains que les souvenirs, aussi déroutants que les fantasmes, aussi enfouis que les craintes et les doutes trouvent un langage pour se formuler, des gestes pour s’incarner, des lieux pour se matérialiser.
Cette possibilité pour les mots de trouver leur voie repose sur une capacité d’écoute. Claire Simon, écrivaine publique et romancière, recueille et retranscrit, dans un souci de comprendre, au plus près de ce qui se trame, pour en faire cinéma. C’est elle qui tient la caméra et c’est cet objet qui constitue son principal outil de mise en scène. Aux faits, Claire Simon ajoute une forme dès le tournage : tenir le plan, couper, panoter.
Et face à l’objectif, les personnes filmées deviennent personnages. La cinéaste décèle dans les lieux et les situations la part de fiction qui y repose. Elle révèle ce qui a trait, dans la vie de tous les jours, au mythe, à la tragédie, au film noir… Que ce soit dans les jeux des enfants (Récréations), les serments du premier amour (800km de différence – Romance) ou les promesses de la petite entreprise (Coûte que coûte). Avec ses protagonistes et leur trajectoire, Claire Simon interroge notamment le pouvoir de l’argent, la distinction sociale, les rapports genrés.
Pour formuler ces questions, la cinéaste choisit une unité de lieu qui permet d’explorer en profondeur, de se concentrer, de tisser des liens. De la Gare du Nord (Géographie humaines), au bois de Vincennes (Le bois dont les rêves sont faits), elle trouve une narration à travers ce qu’il y a de répétitif et fragmentaire, en assumant la grande part d’aléatoire de ce que peut lui offrir la réalité d’un espace, faisant confiance en ce que l’inattendu lui réserve.
Voilà plus de quarante ans, Claire Simon s’est installée à une table de montage puis a pris la caméra. Depuis, elle est devenue une figure incontournable, un repère de notre paysage cinématographique.
La Bpi a maintes fois invité Claire Simon à parler de son travail et à réfléchir aux œuvres des autres. Il était grand temps de réunir, en nos murs, ses films et sa série documentaires. Cette rétrospective est l’occasion de présenter son dernier long-métrage, Notre corps, en avant-première, d’échanger avec la réalisatrice et son monteur, Luc Forveille, lors d’une masterclasse, et d’assister à de nombreuses rencontres entre Claire Simon et des cinéastes ou critiques ami·e·s de son œuvre.
En parallèle, des projections au Reflet Médicis offriront l’occasion de voir le volet fictionnel de sa filmographie, nécessaire pour appréhender un certain rapport au réel, au jeu et au langage cinématographique.

Marion Bonneau, programmatrice du cycle